Novembre 2024 Novembre 2024
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Sur le fil
de la date de vendanges
Faut-il attendre encore un peu? Faut-il lancer les équipes?
Fixer la date de vendanges est sans doute l'une des décisions les plus délicates pour nous, surtout en cette année 2024 où de nombreux facteurs entrent dans l’équation finale. Il faut faire preuve de bon sens, garder la tête hors de l’eau, anticiper au maximum et aussi, savoir prendre des risques. Les prévisions météorologiques (avec parfois peu de visibilité à plus de 24 heures) et la dégustation des baies sont nos deux boussoles. En revanche, l’analyse des baies en laboratoire nous sert d’indicateur pour les décisions qui seront prises en vinification.
Comme à chaque millésime, nous savons que la date potentielle de récolte aura lieu entre 40 à 50 jours après la mi-véraison. À ce stade, les travaux à la vigne se calment jusqu’aux vendanges. Or, en ce mois de septembre 2024, les équipes ont été très actives sur les propriétés pour accompagner la maturité des raisins dans les meilleures conditions sanitaires. Pour cela les équipes ont été renforcées pour effectuer un second éclaircissage de précision, un deuxième effeuillage puis un second échardage (retrait des entrecoeurs proches des grappes). Un travail minutieux, d’orfèvre. Cette année 2024 nous a plus que jamais obligés à rester en alerte jusqu’au dernier moment. L’expérience accumulée par les équipes et la connaissance fine de chaque parcelle sont des atouts majeurs, nous permettant de suivre nos intuitions sans céder à la précipitation.
À l’approche de la date, nous sillonnons les rangs tous les jours avec Laurent Vallet, le chef de culture, Edouard et moi-même, Constance. Chacun picore les baies en haut, en bas, à droite et à gauche de la grappe puis à différents endroits du rang pour se faire son idée. Nous discutons ensuite de nos impressions : équilibre entre acidité et sucres, texture, maturité des pépins et des peaux, et bien sûr, l'aromatique. Le goût reste notre critère principal. La grande question que nous nous posons est : “peut-on espérer mieux que ce que nous venons de goûter ?”
Finalement, la décision est prise de manière collégiale. Nous envisageons plusieurs scénarios en fonction de la météo, de l’organisation des équipes de vendangeurs, puis c’est parti ! Le démarrage des vendanges est souvent fixé la veille pour le lendemain. Nous sommes bien conscients que cela est un vrai défi d’adaptation pour les équipes de vendangeurs. Toutefois, nous avons la chance de pouvoir compter sur toute une entreprise humaine à la vigne comme au chai qui s’active rapidement et sans faillir, et ce depuis des années.
Les vendanges du millésime 2024 ont démarré avec les Merlots de Château de Fonbel le 20 septembre. Les premiers Cabernets Francs ont été ramassés le 2 octobre, et les vendanges se sont terminées avec les Cabernets Sauvignons le 6 octobre.
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L'esprit Ausone par
Constance Vauthier
Peux-tu nous parler de ton parcours ?
Depuis mon enfance, j'ai toujours été fascinée par le vivant. Le tournant s'est opéré lors de ma rencontre avec la vétérinaire de Saint-Émilion pendant mes études en agronomie. Après cinq années à l'École vétérinaire de Maisons-Alfort, où je me suis spécialisée en médecine équine, j'ai commencé ma carrière en Normandie puis à Pau. Peu à peu, l'envie de revenir à Saint-Émilion s'est imposée, et j'ai alors fait le choix de revenir dans la région en tant que vétérinaire équine itinérante. Dès 2017, l'idée de me tourner vers la viticulture a germé pour se concrétiser à l’été 2020.
J’ai donc franchi le pas en intégrant un cursus en alternance à l'école de Bordeaux Sciences Agro. En parallèle, j’ai rejoint l’exploitation familiale, où j’ai pris en charge les aspects financiers et juridiques, tout en gardant un œil attentif sur les vignes et les projets de Recherche et Développement en lien avec le matériel végétal, une passion qui ne m’a jamais quittée.
Comment définirais-tu l’esprit d’Ausone ?
Le terroir d'Ausone est une véritable pépite, un lieu magique dont on ne se lasse jamais. Ma grand-mère y vivait déjà et, malgré quelques rénovations, l'âme du lieu est intacte. Il y a quelque chose de magique qui émane de cet endroit. Lorsque l'on arrive au sommet de cette petite voie sans issue menant au château, un sentiment de sérénité et d’apaisement nous enveloppe. L’énergie de ce lieu est indescriptible, presque magnétique, touchant aussi bien les vignes que les personnes qui y travaillent.
Ce qui m'anime au quotidien, c'est cette quête : comment faire le meilleur vin possible, pour aujourd'hui et dans cinquante ans ? Chaque geste compte dans cette mission à long terme.
Comment se répartissent aujourd'hui les rôles au sein de la famille ?
Cela fait maintenant quatre ans que je suis revenue sur la propriété familiale, où je travaille aux côtés de mon père, Alain, et de mon frère, Edouard. Notre mode de fonctionnement est à l'image d'une entreprise familiale où les rôles sont très transversaux avec de multiples casquettes. Cependant, nous avons nos sujets de prédilection : mon frère s’occupe de toute la partie commerciale et je me charge des sujets administratifs et de la technique. Notre père reste présent et s’implique toujours à nos côtés en partageant son expérience.
Quels sont les enjeux pour votre génération, la onzième depuis l'installation de votre famille en 1690 ?
Même si notre famille est installée ici depuis des siècles, nous devons sans cesse remettre en question nos pratiques. Mon père et ma sœur Pauline ont accompli un travail technique remarquable pour améliorer la qualité de nos vins. Les enjeux de transmission sont toujours un enjeu majeur. Cependant le plus grand défi auquel nous allons faire face est bien celui du changement climatique touchant l’entièreté de l’agriculture.
Qu'est-ce qui te passionne le plus dans ton quotidien sur la propriété ?
La viticulture est une discipline qui impose patience et réflexion, avec un seul essai possible chaque année. C'est frustrant et fascinant à la fois. Aujourd'hui, c'est l'émotion que procure la dégustation qui me fascine car d’un côté, elle inspire des réflexions abstraites. De l’autre, la production viticole reste ancrée dans le concret, le terroir. Ce lien entre l'intangible et le tangible est, selon moi, ce qui rend le vin si unique, et c’est la compréhension de ce lien qui m’anime. Quand j’étais encore vétérinaire, je ne comprenais pas toujours certains commentaires de dégustateurs, qui me semblaient parfois déconnectés de la réalité des viticulteurs. Mais aujourd'hui, je vois que c'est précisément lorsque ce lien entre abstraction et réalité émerge que tout prend son sens. Chaque millésime nous ramène à un moment précis du passé ou à une histoire. Sur ce point, notre père a une mémoire incroyable : il est capable de se souvenir des conditions de production de chaque année. Quel autre métier que celui de vigneron ou d'agriculteur peut nous rendre si attentifs aux conditions climatiques et aux décisions prises ?
Quelle est ta vision pour l'avenir de la propriété ?
Changer de voie pour rejoindre le monde de la viticulture a été l'une des meilleures décisions de ma vie. Ce qui m'anime au quotidien, c'est cette quête : comment faire le meilleur vin possible, pour aujourd'hui et dans cinquante ans ? Chaque geste compte dans cette mission à long terme.
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Château
Moulin Saint-Georges
Face au Château Ausone, il est l'un des secrets les mieux gardés de Saint-Émilion.
Dans la famille Vauthier depuis 1921, Château Moulin Saint-Georges est un cru confidentiel qui se situe à deux pas de l’entrée sud du village de Saint-Émilion. Il occupe une position exceptionnelle en face du Château Ausone et de son voisin Château La Clotte. Le ruisseau de Fongaban a dessiné ce coteau calcaire, et explique l’existence du moulin qui appartenait à la seigneurie de Saint-Georges.
Le vignoble du Château Moulin Saint-Georges se dessine sur sept hectares où le merlot est roi avec quelques parcelles de cabernet franc. Sur cette signature argilo-calcaire, la densité de plantation peut varier de 5 500 à 12 600 pieds à l’hectare. Le vin qui ressort de ce terroir exceptionnel est le fruit d’un important travail des sols et de la vigne. Après la vendange manuelle et le tri parcellaire, les jus connaissent une fermentation traditionnelle dans des cuves en inox puis un élevage de 100% en barriques neuves.
L’assemblage final se réalise autour de 85% de merlot et de 15% de cabernet franc où la puissance tutoie la fraîcheur, où le charme du merlot vient épouser la profondeur du cabernet franc.
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Les vignobles de la
famille Vauthier
Ces crus d'exception en appellation Saint-Émilion sont liés au Château Ausone et sont dirigés par une seule équipe avec la même recherche de précision.
Les vignobles de la famille Vauthier
Les propriétés de la famille sont le reflet de la mosaïque de terroirs à Saint-Émilion avec un relief caractéristique issu du développement sur deux formations géologiques.
1. Des vignes sur le plateau et en coteaux avec des terrasses
Château Ausone et le second vin, Chapelle d'Ausone
2. Des vignes en bas de coteaux
Carte réalisée par Briddie O'Byrne
"La recherche de l'équilibre est un des enjeux sur le terroir du Château Simard. Ce travail de réflexion permanent est la clé pour obtenir le meilleur tout en gardant un vin accessible par son goût et son prix. Si rien n'est fixé à l'avance, tous les gestes sont adaptés au sols et microclimats de chaque parcelle. La main du vigneron est juste là pour maintenir cet équilibre."
— Constance Vauthier